Tu étais bonne élève, péché originel
Tare non excusable pour tes jeunes bourreaux.
Devais-tu pour cela subir autant de maux
D’insultes et d’ordures, de quolibets cruels?
Autre honte indélébile: tes habits (ou des sacs?)
Comment osais-tu croire t’intégrer à un groupe
Même en dernière roue, même en modeste poupe
Si tu ne portais pas des vêtements de marque
D’abord ce fut les mots parmi les plus iniques
A l’aube adolescente, on n’aime pas sa peau
Sobriquets ridicules attaquant ton physique
Squelette! Anorexique! T’es qu’un porte-manteau!
Moment d’isolement que la récréation
Coincée dans les toilettes à l’abri des regards
Encaissant les brimades et les humiliations
Tu souffrais en silence la loi des salopards.
Tu redoutais les cours de sciences physiques
Jouant des jeux stupides à l’abri de leurs chaises
Dans ta chair douloureuse t’enfonçaient des punaises
En s’enorgueillissant de leurs actes héroïques.
Pas question de se plaindre, tabou de l’omerta
Déroger à la règle et donc sonner le glas
Des espoirs de te fondre dans la masse grouillante
Du troupeau collégien et d’être transparente.
Tes espoirs étaient vains, tous les jours que Dieu veut
Ils te traitaient de moche, moquaient tes longs cheveux
Sur lesquels ils collaient des chewing-gums mâchés.
Comble de leur dégoût, sur ta face ils crachaient.
Tu étais selon eux vilain petit canard
Résidu haïssable, sorcière infréquentable
Longtemps tu les a crus, tu t’es crue détestable
Une laideur ingrate renvoyait ton miroir.
Ils avaient oublié, ils t’ont fait oublier
Que le vilain canard par ses pairs rejetés
Se dévoila plus tard en cygne majestueux
Beauté d’âme et de corps valant beaucoup mieux qu’eux.
Bérengère – 20 février 2008